Pelléas: Qui?
Mélisande: Gouland!
Pelléas: Gouland? Où donc? Je ne vois rien.
Mélisande: Là ... au bout de nos ombres.
Pelléas: Oui, oui, je l'ai vu... Ne nous retournons pas brusquement.
Mélisande: Il a son épée.
Pelléas: Je n'ai pas la mienne.
Mélisande: Il a vu que nous nous embrassions.
Pelléas: Il ne sait pas que nous l'avons vu. Ne bouge pas, ne tourne pas la tête. Il se précipiterait. Il nous observe. Il est encore immobile. Va-t'en, va-t'en, tout de suite par ici. Je l'attendrai, je l'arrêterai.
Mélisande: Non!
Pelléas: Va-t'en.
Mélisande: Non!
Pelléas: Il a tout vu. Il nous tuera!
Mélisande: Tant mieux!
Pelléas: Il vient!
Mélisande: Tant mieux!
Pelléas: Ta bouche! Ta bouche!
Mélisande: Oui! Oui! Oui!
Pelléas: Oh! Oh! Toutes les étoiles tombent!
Mélisande: Sur moi aussi? Sur moi aussi!
Pelléas: Encore! Encore! Donne...
Mélisande: Toute! ... Toute, toute!
Pelléas: ... Donne, donne ...
(Gouland se précipite et frappe Pelléas de son épée.)
Mélisande: Oh! Oh! Je n'ai pas de courage! Je n'ai pas de courage! Ah!
Maurice Maeterlinck, Pelléas et Mélisande, Reclam, 1972, Stuttgart